mardi 22 mai 2012


CONVERGENCES  DIVERGENCES ENTRE LE SYSTÈME COMPTABLE OHADA ET LES NORMES IAS/IFRS ( 1 ere partie ) 

Dans un souci de comparabilité entre les états financiers d'entreprises de divers horizons, de bonne circulation de l'information financière, a été élaborée des normes au niveau international auxquelles toutes les entreprises, du moins celles qui font des appels publics à l’épargne, sont soumises. Ces normes comptables IAS/IFRS ont été établies depuis 2001 par l'IASB et s'appliquent depuis 2005 aux entreprises multinationales et celles faisant appel à l’épargne public dans l'Union Européenne.
Suite à l’ouverture de leur économie et à l’internationalisation de leurs marchés, les pays de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’ouest ont mis en place le Système Comptable OHADA. 
Le système comptable OHADA avait certainement pour ambition de construire une théorie générale de la comptabilité financière qui s’inscrit dans la logique de la réglementation internationale. Malheureusement on dénombre plusieurs divergences entre le Système Comptable OHADA et les normes IAS/IFRS.

A-    Etudes au niveau des objectifs et des utilisateurs
1-      Au niveau des objectifs conceptuels 
En général, l'OHADA qui n'est pas seulement un cadre économique ou comptable a pour objectif avoué :
-trouver des solutions juridiques les meilleures et les mettre à la disposition de tous les pays quelles que soient leurs ressources humaines ;
- instaurer la sécurité juridique ;
- restaurer la sécurité judiciaire ;
- encourager la délocalisation vers l'Afrique de certaines grandes entreprises ;
- rétablir la confiance des chefs d'entreprises et des investisseurs ;
- développer l'arbitrage en Afrique ;
- faciliter l'intégration économique sur le continent ;
- renforcer l'unité africaine

Les objectifs du cadre de préparation et de présentation des états financiers (cadre conceptuel) des normes IAS/IFRS sont plus larges que ceux définis par le référentiel comptable OHADA.

Ils consistent en effet à :
-          servir de base pour l'élaboration de normes comptables cohérentes et réviser les normes existantes ;
-          harmoniser les réglementations, les normes comptables et les procédures liées à la présentation des états financiers ;
-          aider les organismes nationaux à développer des normes nationales ;
-          aider les préparateurs des états financiers à appliquer les normes comptables ;
-          aider les auditeurs à se faire une opinion sur la conformité des états financiers avec les normes internationales ;
-          fournir des informations sur l'approche d'élaboration des normes suivie par l'IASB ;
-          préciser les objectifs des états financiers ;
-          définir les éléments essentiels des états financiers et les principes comptables servant de base pour la comptabilité (En cas de conflit entre une norme et le cadre conceptuel les dispositions de la norme qui prévalent) et finalement ;
-           aider les utilisateurs à interpréter les états financiers.

Les cadres conceptuels du SYSCOHADA et de l’IASB présentent la même architecture : les objectifs, les caractéristiques qualitatives, le contenu des états financiers (incluant la définition des actifs, passifs, produits, charges, capitaux propres), les critères d’évaluation des éléments des états financiers.

Toutefois, le cadre conceptuel du SYSCOHADA a prévu en plus des éléments qui composent la structure ci-dessus, la définition du cadre comptable et la structure du plan de comptes.


2-      Au niveau des caractéristiques qualitatives de l’information financière

Les caractéristiques qualitatives de l'information financière qui feront l’objet de notre analyse concernent : l’intelligibilité, la pertinence, la fiabilité et la comparabilité.

a)- Intelligibilité

Selon le cadre conceptuel du SYSCOHADA l'intelligibilité veut dire que l'information fournie par les états financiers doit être compréhensible par les utilisateurs. Donc il suppose implicitement que les utilisateurs aient une connaissance raisonnable des affaires et de la comptabilité. Cependant, le cadre  conceptuel de l'IASB ajoute qu'une information complexe, qui doit être incluse dans les états financiers du fait de sa pertinence, ne doit pas être exclue au seul motif qu'elle serait trop difficile à comprendre pour certains utilisateurs.

b)- Pertinence

Selon le cadre conceptuel du SYSCOHADA une information est dite pertinente lorsqu'elle est de nature à influencer les décisions économiques des utilisateurs en les aidant à évaluer les évènements passés, présents et futurs ou en confirmant ou en corrigeant leurs évaluations antérieures. En effet, une information pertinente doit avoir trois qualités : une valeur prédictive (c'est à dire qui aidera les utilisateurs à prévoir les résultats et des événements futurs), une valeur rétrospective ou de confirmation (C'est que l'information peut être utilisée pour comprendre ou corriger des résultats, des événements et des prédictions antérieures) et la rapidité de divulgation (toute information doit être divulguée au moment où elle est susceptible d'être utile à la prise de décision). Mais, le cadre conceptuel de l'IASB ajoute la notion d'importance relative qui peut être définie comme une information dont l'absence ou l'inexactitude est susceptible d'influencer les décisions des utilisateurs.
Enfin, pour la rapidité de divulgation (appelé la célérité de l'information), les deux cadres conceptuels la présentent au niveau des contraintes à respecter pour garantir la fiabilité et la pertinence de l'information.


c)- Fiabilité

Le cadre conceptuel du SYSCOHADA présente trois critères pour qu'une information soit fiable : la représentation fidèle (c'est la correspondance entre la mesure ou la description et les faits et les transactions qu'elles sont censées traduire), la neutralité (l'information comptable est neutre si elle est dépourvue que possible de subjectivité) et la vérifiabilité (elle est matérialisée par des pièces justificatives qui peuvent être contrôlées à tout moment).

Tandis que, le cadre conceptuel de l'IASB définit une information fiable comme étant une information exempte d'erreur et de biais significatifs. Il distingue cinq critères d'une information fiable : l'image fidèle des transactions et autres évènements que l'information vise à représenter, la neutralité puisqu' il ne faut pas que l'information comptable oriente l'utilisateur dans un sens prédéterminé à l'avance, la prééminence du fond sur la forme qui veut dire que les transactions et événements comptabilisés doivent refléter l'aspect économique des transactions de l'entreprise et non l'aspect juridique, la prudence qui est définie comme la prise en compte d'un certain degré de précaution dans l'exercice des jugements nécessaires aux estimations afin d'éviter que les actifs ou les produits soient surévalués et les passifs ou les charges sous évalués et enfin, l'exhaustivité qui stipule que l'information contenue dans les états financiers doit être exhaustive et complète autant que le permet le souci de l'importance relative.

d)- Comparabilité

Le cadre conceptuel du SYSCOHADA exige que l'information soit comparable d'un exercice à un autre afin de suivre l'évolution de la situation financière de l'entreprise ceci pour la comparabilité dans le temps. En ce qui concerne la comparabilité dans l'espace elle est obtenue en comparant deux entreprises (nécessité d'indiquer les chiffres de l'exercice précédent et aussi l'utilisation des mêmes méthodes comptables). Le cadre conceptuel de l'IASB stipule la même chose, néanmoins, il ajoute que : Le principe de comparabilité ne doit pas conduire à une uniformité pure dans les méthodes comptables, en effet lorsqu'une nouvelle méthode aboutit à une information plus pertinente et une meilleure image fidèle, elle doit être adoptée cependant une mention de ce changement et de son impact doit être portés dans les notes annexes.

3-      Au niveau des objectifs des états financiers

Le système comptable OHADA distingue plusieurs objectifs des états financiers.

-          fournir des informations utiles à la prise de décision et au crédit ;
-          donner des informations pour estimer la probabilité de réalisation de flux futurs ;
-          renseigner sur la situation financière de l'entreprise particulièrement sur les ressources qu'elle contrôle et sur ses obligations ;
-          renseigner sur la performance financière de l'entreprise ;
-          renseigner sur la manière dont l'entreprise a obtenu et dépensé ses liquidités ;
-          fournir des informations sur le degré de réalisation des objectifs par les dirigeants et sur le degré de conformité aux lois en vigueur.

Selon les normes IAS/IFRS, l'objectif en général des états financiers consiste :
- à fournir des informations sur la situation financière de l'entreprise et son évolution ; ce qui est présenté par le bilan ;
- renseigner sur la performance de l'entreprise et en particulier sur sa rentabilité ;
- troisième lieu, renseigner sur la variation de la situation financière de l'entité et sur sa capacité à générer des liquidités, puisqu'elle permet d'apprécier les activités d'investissement, de financement et opérationnelle au cours de l'exercice. Ceci étant, l'information sur la variation de situation financière peut être donnée dans un état séparé. Le cadre conceptuel signale à la fin que les composantes des états financiers constituent des éléments interdépendants.

4-      Au niveau des utilisateurs

Le système comptable OHADA distingue entre les utilisateurs internes, des  utilisateurs externes :
-          Les utilisateurs internes sont : les dirigeants, les organes d'administration et les différentes structures internes de l'entreprise ;
-          Les utilisateurs externes sont : les fournisseurs de capitaux qui sont les investisseurs, les prêteurs et ceux qui accordent des subventions, l'administration, et autres institutions dotées de pouvoirs de réglementations et de contrôle, les autres partenaires de l'entreprise telles que les salariés et leurs syndicats, les fournisseurs et autres créanciers ainsi que les clients et autres bénéficiaires des biens et services produits par l'entreprise et enfin, les autres groupes d'intérêt telles que les organismes professionnels et de défense d'intérêt, la presse spécialisée et les médias, les chercheurs, les divers organes et associations et le public en général.

Il est important de souligner que le système comptable OHADA considère les investisseurs et les bailleurs de fonds comme des utilisateurs privilégiés des états financiers.

Le cadre conceptuel des normes IAS/IFRS distingue quant à lui sept utilisateurs des états financiers :
- les investisseurs actuels et potentiels qui sont concernés par le risque et la rentabilité de leurs investissements (Ils souhaitent des informations qui les aident à prendre des décisions éclairées et réfléchies soit acheter ou vendre soit conserver les actions de l'entreprise) ;
- les salariés qui s'intéressent à la rentabilité de leur employeur pour choisir soit changer d'emplois, soit le conserver pour voire son salaire s'améliorer ;
- les prêteurs qui s'intéressent particulièrement à la solvabilité de leur débiteur pour savoir si les montants qui leurs sont dus (intérêt et principal) seront remboursés à échéance ;
- les fournisseurs et autres créditeurs ; intéressés par la solvabilité de leur  client (pouvoir de paiement à l'échéance) et aussi par la pérennité de l'entreprise surtout si elle est un client majeur
- les clients se préoccupent surtout de la continuité de l'exploitation de leur fournisseur ;
- l'Etat et les organismes publics : cette couche s'intéresse à la répartition des ressources, au respect des règles comptables et fiscales
- le Public, cette partie est intéressée par la contribution à l'économie locale, les tendances et  évolutions récentes de la prospérité de l'entreprise et  l'étendue de ses activités.

Un point de divergence est lié aux utilisateurs de l’information comptable et financière.

Pour l’IASB, plusieurs utilisateurs sont identifiés (investisseurs, personnel, prêteurs, fournisseurs et autres créditeurs, clients, les Etats et les organismes publics, le public). Sans préjuger d’une hiérarchie entre les utilisateurs, le cadre conceptuel IASB semble orienter la présentation vers les investisseurs en supposant que la satisfaction des besoins des investisseurs devrait permettre de satisfaire également les autres parties prenantes.

Pour sa part, le cadre conceptuel du SYSCOHADA oriente la destination de l’information à tous les agents d’une économie marchande dont le centre est la libre entreprise. Le cadre conceptuel SYSCOHADA classe les utilisateurs de l’information comptable comme suit : les entreprises, les fournisseurs et clients de l’entreprise, investisseurs et actionnaires de l’entreprises, les prêteurs, les banques, l’institution d’émission (Banque centrale), le personnel, l’Etat. Le cadre conceptuel SYSCOHADA retient une approche plus économique que financière pour la destination de l’information comptable.

5-      Au niveau des conventions comptables

Les conventions comptables  sont les règles et les prescriptions qui doivent être respectées lors de l'élaboration des états financiers.

Le Système comptable OHADA dispose de huit (8) conventions comptables de base qui sont les fondements de l'analyse comptable et de la préparation des états financiers :
-          la prudence ;
-          la permanence des méthodes ;
-          la correspondance entre bilan d'ouverture et bilan de clôture ;
-          la spécialisation des exercices ;
-          le coût historique ;
-          la continuité d'exploitation ;
-          la transparence ;
-          l'importance significative ;

On peut énumérer d'autres conventions comptables qui peuvent être mentionnées dans l’Etat annexé: convention de l'entité, convention de l'unité monétaire, convention de la périodicité, convention de la réalisation du revenu, convention de rattachement des charges aux produits, convention de l'objectivité, convention de l'information complète, convention de la prééminence du fond sur la forme.

Le coût historique (valeur d'origine) sert de base pour la comptabilisation des postes d'actifs et de passif de l'entreprise.

Les normes IAS/IFRS reconnaissent comme conventions comptables de base, les trois premiers principes comptables fondamentaux du Système Comptable à savoir :
-la continuité de l'exploitation ;
-la permanence des méthodes ;
-l'indépendance des exercices

L'IASB (International Accounting Standards Board) n'a pas énuméré les conventions comptables. Toutefois, ils peuvent être tirés des normes comptables, du cadre conceptuel et surtout de l'IAS 1 relative à la présentation des états financiers.

On cite quelques unes :
-          convention de la permanence des méthodes ;
-          convention de l'importance relative ;
-          convention de la périodicité ;
-          convention de la juste valeur ou de la valeur récupérable ;
-          convention de l'information complète retenue comme une composante de la fiabilité de l'information ;
-          convention de prudence et celle de prééminence du fond économique sur la forme juridique et la présentation fidèle.

Les deux cadres conceptuels mettent en avant, les mêmes conventions, principes ou caractéristiques comptables. Toutefois, le cadre conceptuel IASB à la différence du SYSCOHADA ne retient pas les principes du coût historique, de la prudence et de l’intangibilité du bilan d’ouverture.

Le coût historique[1] constitue la principale convention comptable de base adoptée pour la préparation des états financiers dans le Système Comptable OHADA. C’est pourquoi, les normes IAS/IFRS insistent sur la réévaluation des immobilisations incorporelles, des immobilisations corporelles ainsi que les immobilisations financières.

Dans le Système Comptable OHADA, le principe de « prudence » permet d’apporter des corrections au coût historique. Pour les actifs, la valeur nette à inscrire au bilan est la plus faible des deux valeurs entre la valeur d'entrée et valeur actuelle. En effet si la valeur actuelle est supérieure ou égale à la valeur d'entrée on conserve la valeur d'entrée (les plus-values ne sont pas comptabilisées). Mais si la valeur actuelle est strictement inférieure à la valeur d'entrée on constate une dépréciation ou exceptionnellement un amortissement lorsque la dépréciation apparaît définitive, irréversible. Pour les valeurs au bilan des dettes on retient qu'en règle générale la valeur au bilan est égale à la valeur nominale.

La notion de juste valeur constitue la clé de voûte des normes IAS/IFRS.

La juste valeur est le montant pour lequel un actif pourrait être échangé ou un passif éteint entre parties bien  informées, consentantes et agissant dans des conditions de concurrence normale. Il existe plusieurs niveaux de juste valeur :
1. Prix observable sur un marché des actifs ou passifs identiques à la date d’évaluation ou à une date proche ;
2. A défaut, prix observable sur un marché des actifs ou passifs similaires à la date d’évaluation ou à une date proche ;
3. A défaut, autres techniques d’évaluation reprenant les hypothèses  du marché lorsqu’elles sont disponibles ou, à défaut, celles de l’entreprise (flux de trésorerie actualisés, comparable) ;

Les actifs doivent être évalués à leur valeur de marché ou leur valeur potentielle de vente ou d’échange, ce qui implique une volatilité importante, due aux fluctuations du marché. Cette méthode comptable fait abstraction du coût historique, principe qui est aussi la clé de voûte de l'OHADA.



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