vendredi 18 mai 2012



Banque : la Beac entre convalescence et redressement



Rigueur budgétaire, contrôle, transparence, prudence... Depuis le scandale qui l'a ébranlée en 2009, la Banque des États de l'Afrique centrale a revu son code de conduite. Cela n'empêche pas l'Afrique centrale de connaître une nouvelle affaire de mauvaise gouvernance.





Près de trois ans après le scandale qui a ébranlé la Banque des États de l'Afrique centrale (Beac), voilà la Commission de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cemac) empêtrée à son tour dans une affaire de mauvaise gouvernance, également révélée par Jeune Afrique. Fausses factures, prélèvements d'espèces non justifiés, attributions douteuses de marchés... Les montants en jeu se chiffrent à plusieurs millions d'euros. Ce nouveau scandale, qui éclabousse en premier lieu le Camerounais Antoine Ntsimi, président de cette Commission depuis 2007, n'en est vraisemblablement qu'à son début, puisqu'il figurera au centre des discussions du prochain sommet des chefs d'État de la zone, annoncé pour les semaines à venir, à Brazzaville.
L'affaire Ntsimi
Vue du siège de la Beac, à Yaoundé, cette affaire vient rappeler les douloureuses révélations, en 2009, sur le détournement d'environ 31 millions d'euros depuis le bureau extérieur de l'institution à Paris. Des malversations ayant porté un sérieux coup à l'image de la banque et entraîné une réorganisation profonde de sa gouvernance. L'affaire Ntsimi vient surtout interpeller les nouveaux dirigeants de la Beac sur l'intérêt qu'ils ont à maintenir le cap des réformes engagées sous la pression du Fonds monétaire international (FMI) pour restaurer la crédibilité de l'institution émettrice.
Aujourd'hui, « l'incendie a été éteint, nous sommes en train de nous redresser pour nous conformer aux standards internationaux », affirme l'Équato-Guinéen Lucas Abaga Nchama, nommé gouverneur de la Beac en janvier 2010. D'après un autre haut cadre de l'institution, « de nombreuses mesures ont été mises en oeuvre pour prévenir les comportements non orthodoxes. Le gouverneur ne dicte plus rien, son propre travail et ses décisions sont soumis à un comité d'audit indépendant. De plus, des partenaires étrangers viennent vérifier la bonne évolution des réformes en cours ». Faisant allusion à la Commission de la Cemac qui n'a pas été auditée pendant plusieurs années, cette même source préconise : « Le contrôle doit être renforcé dans toutes les institutions de la sous-région, aucune d'entre elles ne doit y échapper. »
Mais où en sont les "Parisiens" ?
Le Gabonais Armand Brice Ndzamba (ancien comptable du bureau extérieur), le Centrafricain Gaston Sembo-Backonly (ex-adjoint au délégué du gouverneur à Paris), le Gabonais Maurice Moutsinga (alors directeur du contrôle au siège)... Les procédures judiciaires engagées contre les protagonistes de l'affaire du bureau extérieur de Paris peinent à aboutir. Ceux qui ont été incarcérés ont même été libérés après quelques mois et placés sous contrôle judiciaire. « Nous avons contesté ces décisions par le biais de notre avocat. Mais nous laissons la justice faire son travail », assure Lucas Abaga Nchama, gouverneur de la Beac, qui refuse d'admettre un quelconque laxisme des chefs d'État dans cette affaire et estime que le licenciement immédiat de tous les cadres incriminés a été un acte de fermeté. Les suites de l'enquête ont conduit au renvoi de six nouveaux cadres depuis l'arrivée de Nchama, et d'autres seraient sur la sellette. Par ailleurs, le budget du bureau de Paris a été réduit de moitié, à environ 1 million d'euros. S.B.
Rigueur budgétaire, contrôle, transparence...
... et prudence. Tels sont aujourd'hui les maîtres mots dans la gestion de la Beac. Parmi les améliorations apportées, l'adoption d'un code des marchés. « Il n'y en avait pas. Désormais, aucun marché ne peut être attribué sans appel d'offres », se félicite Lucas Abaga Nchama. À titre d'exemple, le programme immobilier prévoyant la construction d'un centre de la Banque centrale à Abéché, au Tchad, dont l'attribution se fait par appel d'offres, devrait finalement coûter moins cher que la dizaine de millions d'euros annoncés initialement. De même, de nombreux contrats d'assurances qui avaient été attribués sans faire jouer la concurrence ont été renégociés.
Résultat : les économies réalisées ont permis d'améliorer les finances de la Beac, qui sont passées d'un déficit de 45 millions d'euros en 2009 à un bénéfice de 35 millions d'euros l'année dernière. « Aujourd'hui, nous pouvons distribuer des dividendes aux États membres », indique Lucas Abaga Nchama. Les dirigeants de la sous-région ont plutôt opté pour le renforcement des fonds propres de la banque, pour lui permettre de résister à d'éventuels chocs exogènes mais aussi de jouer pleinement son rôle dans le financement des économies de la sous-région. De fait, la Beac a porté de 6 % à 30 % sa participation au capital de la Banque de développement des États de l'Afrique centrale (BDEAC).

Le poids de la dette
Outre le contrôle, la prudence dans la gestion des réserves est aussi de rigueur. Si la Beac a négocié et obtenu de la banque française Société générale le remboursement de 15 millions d'euros sur les 23 millions qu'elle avait perdus dans des opérations spéculatives, elle maintient la suspension de sa salle des marchés. « Nous attendons d'avoir, avec l'appui de la Banque mondiale, une expertise beaucoup plus affirmée dans ce domaine », explique Lucas Abaga Nchama. Qui ajoute : « Même si, pour l'heure, 10 % de nos investissements sont constitués par des emprunts obligataires émis par deux pays européens en grande difficulté, l'Espagne et le Portugal, nous mettons l'accent sur les placements moins risqués. »


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