Tentatives
d’explication des crises financières (la
2 eme partie et la fin)
Des
comportements inadaptés
Les
phases où les marchés s’emballent pourraient ne pas tenir seulement à une
information incomplète et/ou à une compétence imparfaite. Selon certaines
explications, les périodes d’euphorie puis le déclenchement des crises tiennent au fait que
des comportements, au niveau collectif, ne sont pas adaptés. Il peut s’agir des
comportements des autorités publiques – lorsqu’elles pratiquent, par exemple,
une politique monétaire trop accommodante. Il peut s’agir aussi des
intervenants privés – qui, parfois, n’adaptent pas leur conduite alors que leur
environnement, notamment réglementaire, a profondément changé.
Le comportement des autorités publiques
■ Des périodes caractérisées par des liquidités (trop ?)
Abondantes
Une des causes des crises financières – par exemple,
l’euphorie des années 1920 suivie par la crise de 1929, la hausse à la fin des
années 1990 puis le dégonflement des valeurs Internet en 2000-2001, la bulle
immobilière débouchant sur la crise des subprimes en 2007 – semble tenir à la
présence d'un montant trop important de liquidités dans le monde. Dans le cas
de la crise des subprimes, cette abondance de liquidités tient certes en partie
aux réserves en devises que certains pays exportateurs, notamment la Chine, ont
accumulées. Ainsi, de décembre 2006 à décembre 2007, les réserves mondiales de
change ont augmenté de 1 200 milliards de dollars. Reste que ce qui a également
précédé cette crise, comme dans la plupart des krachs, c'est une création
monétaire excessive.
■ Le crédit, le levier et l’accélérateur financier
Quand les
liquidités gonflent, c'est qu'il y a trop de crédit. La plupart des périodes
d'emballement des marchés menant à une des déconvenues brutales ont,
effectivement, été caractérisées par la facilité du crédit bancaire. Les
agents, qui peuvent alors emprunter plus facilement, utilisent cet argent pour
acheter des titres : le crédit facile alimente la hausse des actifs.
Pour une entreprise (comme pour un fonds
d’investissement), la possibilité de s’endetter plus ou moins massivement sur
la base d’un capital relativement plus limité s’appelle le « levier ». Si le
coût de la dette est faible (comme c’est le cas dans les périodes de crédit
facile) et inférieur à la rentabilité économique de l’entreprise (ce que
rapporte son exploitation), les actionnaires ont intérêt à ce que l’entreprise
s’endette pour investir (dans de nouvelles machines, par exemple), car ils
augmenteront la rentabilité de leurs apports en capitaux propres.
Dans sa Brève histoire de l’euphorie financière,
Galbraith estime que, dans tous les épisodes spéculatifs, les acteurs de la
finance ont pensé réinventer le levier.
L’effet
pervers, voire le cercle vicieux, c’est que le renchérissement des titres
alimente l’expansion du crédit. Pourquoi ? Parce que ces actifs peuvent servir
de collatéraux, c’est-à-dire de garantie, à de nouveaux prêts. On retrouve ici
un phénomène qui évoque celui du cash out décrit à propos des subprimes ; il
concernait alors un actif immobilier. La spirale « distribution du crédit –
hausse des titres » est appelée « accélérateur financier ».
S’il est vrai que le crédit peut jouer un rôle à ce
point permissif dans le déclenchement de certaines crises financières, pourquoi
les banques centrales, qui scrutent attentivement la création monétaire et la
distribution du crédit, ne prennent-elles pas les mesures préventives
nécessaires en durcissant la politique monétaire tant qu’il est encore temps ?
■ Une politique monétaire parfois trop relâchée ?
Le problème est qu’il semble ne jamais y avoir
consensus pour juger qu’il est temps de serrer les boulons du crédit et de la
monnaie. Souvenons- nous d’un épisode déjà rapporté dans cet ouvrage. En 1929,
lorsque la Fed veut durcir la politique monétaire, elle subit un anathème de la
part du président de la National City Bank. George Soros raconte, dans La
Vérité sur la crise financière, que plusieurs experts avaient tiré la sonnette
d’alarme sur la crise des subprimes, sans être entendus.
À cet égard, la politique monétaire suivie dans les
années 2002-2004 est symptomatique. Avant que le prix des matières premières ne
devienne un sujet de préoccupation, le monde a vécu pendant plusieurs années
sans inflation. La place prise dans la production mondiale par les pays à bas
coût salarial explique en partie la modération des prix. Du fait que l’inflation
semblait éradiquée, les banques centrales pouvaient moins justifier des hausses
de taux : elles ont été plutôt accommodantes et ont conservé des taux d'intérêt
assez bas. Elles ont été comme piégées par leurs bons résultats sur le front de
l'inflation : c’est le « paradoxe de la crédibilité ». Les taux de la Fed sont
restés longtemps à 1 %. Cela dit, entre mi-2004 et mi-2006, la Fed a procédé à
17 hausses de taux consécutives, portant son taux de 1 % à 5,25 % au printemps
2007. Mais peut être un peu tard.
■ La politique monétaire, pompier pyromane ?
En outre, à
chaque fois qu'une crise a éclaté dans la période récente (crise russe de 1998,
krach lent de la Nouvelle économie en 2000-2001, et crise des subprimes depuis
août 2007) les banques centrales ont choisi d'ouvrir en grand le robinet du
refinancement bancaire pour limiter les dégâts
Du coup, certains
considèrent que lorsque les autorités sont intervenues pour endiguer une crise,
elles ont créé les conditions du gonflement de la bulle suivante. Après la
crise Internet, les liquidités trop importantes ont alimenté le boom de
l'immobilier. Après le début de la crise des subprimes, on a même vu la
spéculation se porter (temporairement ?) sur les actions des émergents et sur
les prix agricoles. Dans ces conditions, Alan Greenspan, l'ancien patron de la
Fed, est tantôt considéré comme un génie qui a porté à bout de bras la
croissance américaine et mondiale, tantôt comme un « pompier pyromane ».
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