Diagnostic pour le court terme : rentabilité des entreprises (la partie 2)
1.2 – Rentabilité économique et performance de l’entreprise
Il est à la
fois artificiel et pratique de distinguer différents niveaux - commercial,
économique, financier - de rentabilité de la firme, car que l'on soit partisan
d'une théorie mécaniste ou d'une théorie systémique de l'entreprise, il est
difficile d'expliquer sans isoler, même s'il est évident que le mécanisme ne
fonctionne pas sans l'un de ses rouages ou s'il ne peut être réduit à l'un
d'eux et que le système n'est pas viable privé d'un sous-système et s'il ne
peut y être réduit.
Traditionnellement
la rentabilité, qui est une notion relative à l'opposé du résultat, s'apprécie
à l'aide de ratios isolés ou, ce qui est mieux, à l'aide d'une batterie de
ratios.
1.2.1 - La rentabilité économique décrite par les ratios
Il existe de
nombreuses batteries de ratios qui apportent une aide précieuse, mais limitée, au diagnostic. Cette aide
diminue lorsque la complexité de la batterie augmente et la batterie choisie ne traite
pas toujours de façon claire les problèmes de performances économiques indépendantes du financement et les problèmes
essentiellement financiers.
Deux batteries
de ratios peuvent particulièrement retenir l'attention :
- La batterie pyramidale de Du Pont de Nemours : dans cet ensemble, le taux de rentabilité des capitaux investis
est exprimé en fonction de la marge bénéficiaire multipliée par le taux de
rotation des capitaux investis
Cette batterie
peut-être plus ou moins orientée vers des préoccupations de gestion. Pour les
propriétaires du capital, le seul résultat qui compte est le résultat définitif
après impôt tel qu'il apparaît dans le compte 120 - Résultat et aucun actif ne
les laisse indifférents, que ce soit un élément indispensable à l'exploitation
ou un élément somptuaire, s'il a une valeur vénale ; dans ce cas, le rapport
global à analyser est :
Résultat
comptable/Total des actifs du bilan
C'est ce ratio
qui sera affiné dans la pyramide. Le taux de rentabilité intéresse aussi les
responsables de l’entreprise et dans ce cas le rapport global à analyser pourra
être :
Résultat
d'exploitation/Actifs d'exploitation
ou :
EBE/Actifs d'exploitation + crédit bail.
On peut
enrichir chaque stade de la pyramide par les informations issues du compte
résultat, du bilan et du tableau des soldes intermédiaires de gestion. Si on
choisit la première option, on aura :
Résultat d'exploitation/ Actifs d'exploitation =
(Résultat/Chiffre d'affaires) x (Chiffre d'affaires/ Capitaux engagés)
- La batterie chaînée de la croissance bénéficiaire
1.2.2 - La rentabilité économique complétée par les marges et les
seuils
L'entreprise
ne peut pas avoir de rentabilité économique si son activité commerciale ou
industrielle ne dégage pas de surplus.
- La
rentabilité commerciale de l’entreprise peut être mesurée par la marge
bénéficiaire, avant ou après impôt, c'est-à-dire pour les entreprises
commerciales par les ratios : Résultat net d'exploitation/Chiffre d'affaires
hors taxe ou
Résultat net
comptable/Chiffre d'affaires hors taxe et pour les entreprises industrielles
par le ratio : Résultat d'exploitation/Production vendue.
La marge
bénéficiaire, à vocation commerciale, est à l'origine de la rentabilité de
l'entreprise. La marge bénéficiaire insuffisante est à l'origine de nombreuses
difficultés et un ratio R/CA insuffisant doit être rapidement modifié soit en
augmentant les prix moyens, soit en différenciant les produits, en segmentant
les marchés ou en révisant les conditions de paiement accordée, ou encore en
diminuant ses coûts moyens, en favorisant l'innovation technique, en gérant
plus scientifiquement ses approvisionnements ou en améliorant ses circuits de
distribution. La rentabilité commerciale, traduite par la marge bénéficiaire
est donc une première approche, très pragmatique de la rentabilité, mais elle
ne tient pas compte de la structure des capitaux employés.
- La
rentabilité économique est une approche fondamentale de la rentabilité, car
elle permet d'étudier les résultats relatifs de l'entreprise indépendamment de
son financement. Dans la formule générale bien connue :
Rentabilité
financière = Rentabilité économique + Levier financier, la rentabilité
économique est le produit d'une marge bénéficiaire (résultat d'exploitation
divisé par chiffre d'affaires) par un taux de rotation de l'actif (chiffre
d'affaires divisé par total de l'actif). La formule générale montre que si la
rentabilité économique est nulle, le levier financier est négatif et la
rentabilité financière est nulle ou négative et donc avant de penser au
financement de l'entreprise, il est essentiel de se prononcer sur la finalité
de celle-ci. Dans la pyramide Du
Pont de
Nemours, examinée plus haut, la marge commerciale exprimée
par le rapport
Résultat d'exploitation/Chiffre d'affaires indique le pourcentage de résultat réalisé par rapport
aux ventes. Ce résultat est obtenu, pour l'essentiel, par différence entre le
chiffre d'affaires et les charges d'exploitation. L'analyse Coût-Volume-Profit
permet de répondre à deux questions essentielles :
- à quelles
conditions commencera-t-on à réaliser un surplus d'exploitation ;
- quelle est
la variabilité de ce surplus.
La première
question débouche sur l'analyse du seuil de rentabilité : le seuil de
rentabilité est atteint lorsque le chiffre d'affaires est égal à la somme des
coûts fixes et des coûts variables : CA = CF + CV. Comme CA = CF/(1 - CV/CA) et
que CV/CA représente la part des charges variables dans les ventes totales, le
dénominateur (1 - CV/CA) représente la marge sur coût variable et le seuil de
rentabilité peut s'écrire : SR = CF/MSCV ;
à partir de cette relation on peut étudier les effets d'une variation du
chiffre d'affaires sur le niveau du résultat d'exploitation. Par
l'intermédiaire du levier d'exploitation qui mesure l'accroissement
relatif du résultat d'exploitation qui résulte d'un accroissement relatif de la
production, on a une idée de la sensibilité, de la volatilité de ce résultat
d'exploitation.
Soit RE le
résultat d'exploitation avant charges financières, Q le volume de production et
e le levier d'exploitation : ε = (ΔRE/RE)/(ΔQ/Q)
Pour le niveau
Q de production, on peut écrire le résultat d'exploitation : RE = Q(p -v) –
CF où p est le prix des produits et v le coût variable unitaire des
produits.
L'accroissement
du résultat est ΔRE = ΔQ(p -v) et l'accroissement relatif
vient : ΔRE/RE = [ΔQ (p – v)/Q (p - v)] – CF et donc :
ε = [[ΔQ (p – v)/Q (p - v)] – CF]/(ΔQ/Q)
ε = Q (p – v)/[Q (p - v) - CF] comme Q x p = CA et Q x v = CV,
ε = (CA – CV)/(CA – CV – CF)
ε = MSCV/RE
Comme RE =
MSCV - CF, le levier d'exploitation est d'autant plus élevé que les charges
fixes qui font diminuer CF sont importantes et si le levier d'exploitation est
élevé, de faibles changements de volume des ventes auront de fortes
conséquences sur le résultat d'exploitation.
La rotation de
l'actif (Chiffre d'affaires/Actif total) peut aussi faire l'objet d'une étude
approfondie : les actifs circulants : stocks, créances, disponibilités mettent
en évidence une certaine qualité de la gestion, traduite par une politique
d'approvisionnement tendant à l'amélioration des stocks, par une pratique
commerciale soucieuse d'encadrer le crédit client et par une surveillance
particulière de la trésorerie. Les immobilisations doivent montrer
l'amélioration de la productivité mais il faut contrôler le rapport actif
immobilisé/actif circulant. Cette analyse, qui incite déjà à faire référence à
une optique fonctionnelle, doit déboucher sur la volonté de faire évoluer le
chiffre d'affaires plus rapidement que le volume des actifs : le contraire
traduit un laxisme économique des dirigeants de l'entreprise, préjudiciable
aussi bien à court terme qu'à long terme.
Les
gestionnaires expérimentés considèrent qu’une entreprise est assez facile à gérer
lorsque le levier d'exploitation est compris entre 2 et 3.
Un levier
d'exploitation compris entre 0 et 1 caractérise une entreprise qualifiée de
rigide, un levier supérieur à 4 caractérise une entreprise dont la gestion
n'est pas toujours facile à contrôler car elle est trop réactive.
2 – Rentabilité financière
Il y a souvent
une corrélation très nette entre la rentabilité économique et la rentabilité
financière, mais l'avantage généré par l'effet de levier, pivot de la
rentabilité financière, n'a pas toujours un caractère déterminant. La
rentabilité financière de l'entreprise est le produit de la rentabilité
économique par l'effet de levier financier.
Examinons en détail cette notion.
2.1 – Rentabilité financière et effet de levier
L'effet de
levier est une notion utilisée depuis longtemps mais elle est toujours
d’actualité.
2.1.1 - L'expression de l'effet de levier financier
Si on appelle
D le total des emprunts auprès des établissements de crédit, CP le montant des
capitaux propres augmentés éventuellement des provisions pour risques et
charges non justifiées, D + CP le total des emprunts et des capitaux propres ;
soit E le résultat avant déduction des charges et des produits financiers, R le
résultat net comptable et enfin I le montant des charges financières.
- On définit
alors la rentabilité financière de la firme par r=
(R/CP), la
rentabilité économique est alors e = (E/Σ Actifs) = (E/D
+ CP) et le taux moyen de la dette vient i = (I/D). La rentabilité financière
peut s'écrire : r = e x (R/E) x [(CP + D)/CP]
- A partir de
cette équation de base, on peut définir l'effet de levier dans le cas général :
si on considère un taux d'imposition quelconque t, la rentabilité financière
vient : r = e x (1 – t) [(E - I)/E] x [(CP + D)/CP] soit, en simplifiant
et par rapport au taux d'imposition : r = (1 – t)e + (1 – t) (e – i) x
(D/CP)
Le taux de
rentabilité financière est égal au taux de rentabilité des actifs e augmenté de
l'effet de levier, lui-même décomposé en un écart de levier (e –
i) et un bras de levier (D/CP).
Dans le cas
d'un bénéfice théorique imposé à 33 %, il vient : t = 0,33 et
h = 0,67 et donc r = 0,67 e + 0,67 (e - i) D/ CP ;
2.2 – Rentabilité financière dynamique
L'étude de la
rentabilité financière peut être affinée par la présentation vectorielle de
l'effet de levier qui facilite l'étude dynamique d'une période à l'autre.
Le graphique
de l'effet de levier met en évidence les variations des trois éléments
fondamentaux : résultat courant, résultat économique et coût des charges financières
au cours des périodes successives. L'écart global à analyser est représenté par
les formules : Δr = Δe + Δ [ (e - i) x D /CP ] pour une variation quelconque ;
dr = de + d [ (e - i) x D /CP ] pour une variation
très faible.
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