Diagnostic pour le court terme : rentabilité des entreprises (la 1
ère partie)
Pour survivre
de façon durable, une entreprise doit optimiser ses facteurs de production et
en tirer des excédents et des avantages. La rentabilité est la première
condition nécessaire, mais non suffisante de sa survie. La notion de
rentabilité paraît en première analyse très simple : le capital génère un
profit, et donc le rapport entre le capital et le profit se traduit par un taux
de rentabilité. Au cours d’une période donnée, la rentabilité d’une entreprisse
se mesure en rapportant son résultat de la période à son capital en début de
période ; quand on parle de rentabilité, on parle donc de rentabilité
ponctuelle, au dernier jour de la période où on effectue le calcul.
Nous
utiliserons le concept de rentabilité dans ce sens, mais il existe d'autres
façons d'appréhender cette notion, pour le moment vague, au niveau du calcul.
La rentabilité classique est obtenue en faisant le rapport Revenu/Capitaux,
mais ceci est seulement exact le dernier jour de l'exercice. Sous cette forme,
d'une apparente simplicité, elle est reliée à l'objectif de profit, dont la
tradition économique a fait l'objectif principal de l'entreprise, sans avoir,
dans de nombreux cas, la connotation péjorative émotionnelle de celui-ci ; elle
donne une image pratique de l'entreprise à l'extérieur, puisqu'elle permet de
la classer en bonne (rentable) ou mauvaise (peu ou pas rentable) sans analyse approfondie
; elle est un indicateur honnête de l'efficacité, tant au niveau de la totalité
de l'entreprise qu'au niveau de chacun de ses centres de responsabilité, elle
est assez vague et englobe de nombreuses notions pas toujours définies
précisément. Ces notions peuvent être envisagées sous l'angle économique ou
sous l'angle financier, dans une perspective à court terme.
1 – Rentabilité économique
Le plan
comptable général 1999, par le biais des soldes intermédiaires de gestion,
donne une contribution très utile à la connaissance économique de la
rentabilité de l'entreprise et constitue un facteur essentiel du diagnostic de
l'entreprise.
1.1 - Rentabilité économique et capacité de l’entreprise
Afin de cerner
la triple fonction économique de l'entreprise, fonction de consommation,
fonction de production et fonction de répartition, les analystes financiers ont
étudié différentes formules de soldes de gestion. Le plan comptable a
concrétisé leurs réflexions en organisant les charges et les produits en deux
classes de comptes et en élaborant un tableau des soldes de gestion détaillant
huit variables économiques caractéristiques, quatre décrivant l'activité et
quatre les résultats, plus une neuvième, constatant la capacité
d'autofinancement de la firme.
1.1.1 - Les soldes descriptifs d'activité économique
La marge commerciale est le premier solde
intermédiaire de gestion. Il concerne les entreprises commerciales ou la
branche commerciale des entreprises à activité mixte qui achètent pour revendre
en l'état. La marge commerciale est obtenue en faisant la différence entre les ventes
nettes et le coût d'achat des marchandises vendues. Son mode de calcul montre
bien la perfection du plan comptable général en matière de codification. On
retranche du compte 707 Ventes de marchandises le montant du compte 7097 Rabais,
remises, ristournes accordées sur ventes pour obtenir les ventes nettes. On
ajoute au compte 607 Achats de marchandises le montant des comptes 6087
Frais
accessoires sur achats et 6037 Variation de stock de marchandises et on
retranche le total du compte 6097 Rabais, remises, ristournes obtenus sur
achats pour obtenir le coût d'achat des marchandises vendues ; tous les comptes
utilisés au calcul de la marge commerciale se terminent par le chiffre 7,
indication codée se référant toujours à des marchandises. Il est indispensable,
dans le calcul de ce solde que les frais accessoires sur achats ne concernent
que des frais externes, payés à des tiers, sous peine de voir non seulement la
marge commerciale, mais encore la valeur ajoutée, perdre leur caractère significatif.
Premier indicateur intéressant des performances des entreprises commerciales,
on peut regretter que le nouveau plan comptable n'y inclue pas les subventions
d'exploitation, ce qui entraîne pour certains secteurs d'activités un défaut,
car ces subventions sont de véritables compléments du prix de vente. La marge
commerciale est valorisée de manière hétérogène ; les ventes expriment le prix
de vente hors taxe si l'entreprise est assujettie à la TVA, les achats sont calculés
au coût d'achat hors taxe et comme les stocks sont souvent évalués au coût
complet et qu'ils comprennent des coûts externes, mais presque inévitablement
des coûts internes, éventuellement affectés de manière forfaitaire par clés de
répartition, les variations de stock subissent également ce biais.
La production de l'exercice est
essentiellement composée de la production vendue qui résulte de la somme des
ventes de produits finis, de produits intermédiaires, de produits résiduels, de
travaux, d'études, de prestations de services, de produits des activités
annexes, corrigée des rabais, remises et ristournes accordés par l'entreprise à
l'occasion de toutes ces opérations et accessoirement complétée par la
production stockée, la production immobilisée ou les produits nets sur
opérations à long terme. Contrairement à la comptabilité nationale, qui
distingue la production au sens large pour toutes les catégories de
producteurs, la comptabilité privée élabore la production au sens étroit des
entreprises industrielles, en opposition à la marge commerciale des entreprises
de négoce. Les concepteurs du plan comptable ont été obligés de prendre certaines
options ; ainsi la production ne tient compte ni des produits financiers, ni
des produits d'exploitation tels les redevances pour brevets et licences,
reclassés dans les autre produits de gestion courante du résultat
d'exploitation, ce qui peut se discuter, dans la mesure où, bien souvent, les
délais de paiement et donc les frais de crédit, sont un élément parmi d'autres
du prix de vente, même si la dissociation peut être effectuée. Enfin, la
production inclut systématiquement le compte 708 Produit des activités annexes,
alors que certains éléments de ce compte comprenant les commissions, les courtages,
locations diverses, ports et frais accessoires facturés, cessions
d'approvisionnements sont exceptionnels et devraient figurer dans un résultat
exceptionnel : ainsi par exemple les courtages sur opération isolée ou les
cessions de dépannage consenties à un confrère. Pour la plupart des entreprises,
la notion de production qui intègre les variations de stock et production
immobilisée et les bénéfices provisoires sur les opérations à long terme est
mieux adaptée que la notion de chiffre d'affaires, qui fait exclusivement
référence aux ventes, mais pour les firmes à cycle de production long, comme le
bâtiment ou les travaux publics, lorsque la production stockée et la production
immobilisée sont importantes, ces deux grandeurs sont biaisées par les coûts de
stockage, de la même façon que la marge commerciale peut l'être et un souci
d'objectivité peut conduire à distinguer nettement une production vendue du
reste de la production. Mais le problème ne peut pas être résolu de manière
unique, car en matière de comptabilité analytique, les contraintes de
l'imputation rationnelle incitent à rapporter les charges à la production
réellement fabriquée, qui traduit mieux l'activité , qu'au chiffre d'affaires
qui ne dépend que des ventes, mais un supplément d'activité exclusivement centré
sur la production immobilisée ou un redéploiement de l'entreprise dans ce sens,
conduit à une fermeture de l'entreprise sur elle-même et à une baisse
d'activité face au marché et donc à une diminution des capacités solvables. La
production aux deux aspects exprimés en termes de prix de vente et en termes de
coûts de revient est à utiliser avec prudence.
La valeur ajoutée : la valeur ajoutée est une
notion clé de la comptabilité nationale qui permet de calculer la production
intérieure brute. On peut la calculer de manière soustractive ou additive. Le
calcul soustractif est recommandé par le plan comptable général : la valeur ajoutée
est donc égale à la production de l'exercice, plus la marge commerciale et
moins les consommations en provenance des tiers. Les consommations en
provenance des tiers sont toutes les consommations intermédiaires achetées à
l'extérieur de l’entreprise : achats d'approvisionnements stockables corrigés
de leur variation de stock, de fournitures non stockables (électricité, eau,
gaz), achats de soustraitance, services extérieurs multiples, frais
accessoires, diminués des rabais, remises, ristournes obtenus correspondants.
Par référence à la comptabilité nationale, cette valeur ajoutée est une valeur
brute qui ne tient pas compte de la consommation des investissements puisque
les dotations aux amortissements en sont absentes. C'est de plus une valeur
ajoutée produite, qui a les mêmes caractères d'hétérogénéité que la production
et les mêmes défauts pour les entreprises à cycle long et pour ces dernières firmes
il est parfois indispensable de revenir à une notion de valeur ajoutée vendue
pour éliminer le gonflement abusif des stocks conservés ou de la production
immobilisée. Si on examine la valeur ajoutée dans l'optique de la rémunération
des facteurs de production, on peut dire qu'elle sert à rémunérer ou à
dédommager :
- les
salariés, par l'intermédiaire des comptes de salaires et de charges sociales ;
- l'Etat, par
l'intermédiaire des comptes d'impôts, hormis la TVA et l'impôt sur les sociétés
;
- les prêteurs,
par l'intermédiaire des intérêts figurant dans les charges financières ;
- les
investisseurs par l'intermédiaire de la rétention des dotations aux
amortissements
- le capital,
par l'intermédiaire du bénéfice, corrigé des amortissements et des provisions.
On peut aussi
présenter la valeur ajoutée comme la somme d'un coût et d'une marge : dans
cette méthode, les différents facteurs de production que nous venons d'évoquer
(main d'oeuvre, Etat, prêteurs, capitalistes) peuvent être classés par nature et
par fonctions en deux catégories : les charges internes indispensables à la
production des produits vendues et la marge sur coût de production. Les charges
internes (salaires, charges financières, amortissements) représentent le coût
ajouté et on obtient la relation : Valeur
ajoutée = Coût ajouté + Marge sur coût
La
connaissance du coût ajouté par rapport aux coûts externes est aussi
intéressante pour la gestion que pour le diagnostic. Certains auteurs
qualifient le coût ajouté et la marge de "soldes intermédiaires de gestion
complémentaires" et remarquent que ce supplément d'information permet
d'obtenir, pour les entreprises productrices, un coût ajouté qui élimine le
profit commercial et d'utiliser une production de l'exercice homogène avec tous
les éléments exprimés en coût de production.
La valeur
ajoutée est un indicateur privilégié de structure et d'efficacité, même
si elle se prête mal à une analyse quotidienne ou fréquente. Elle permet
de connaître le poids économique réel de l'entreprise, sa contribution
au milieu social où elle est insérée. Par des ratios judicieux, certains
aspects privilégiés peuvent être éclairés. Le rapport Valeur
ajoutée/Production permet d'apprécier le niveau d'intégration de
l'entreprise, les rapports Valeur ajoutée/Effectif et Valeur
ajoutée/Immobilisations d'exploitation permettent d'avoir une mesure de
l'efficacité d'utilisation des facteurs de production, les ratios
Charges de personnel/Valeur ajoutée ou Amortissements/Valeur ajoutée
décrivent la structure de l'exploitation, qui peut être bien résumée par
le ratio : (Immobilisations corporelles + BFR)/Valeur ajoutée qui
exprime les investissements nécessaires à l'exploitation pour réaliser 1
€ de valeur ajoutée. Enfin, la valeur ajoutée a une propriété intéressante
d'additivité qui concerne moins les petites entreprises que les grandes,
mais qui rend aisée la détermination de la somme des valeurs ajoutées
par les établissements d'une même société, ou la détermination de la
somme des valeurs ajoutées d'un groupe consolidé et cette somme peut
être rapprochée dans le premier cas de marges sur coûts directs par
établissements et du résultat consolidé dans le second. L'excédent
brut d'exploitation : l'excédent brut d'exploitation est un indicateur
privilégié de performance économique qui échappe à de nombreux facteurs
de distorsions :
- Il est
presque indépendant de la politique financière de l'entreprise puisqu'il est
calculé avant prise en compte des charges et des produits financiers ;
- Il est
indépendant de sa politique d'amortissement, car il ne tient pas compte des
dotations aux amortissements, mais les dotations aux amortissements ne tiennent
pas compte, elles-mêmes, de l'amortissement complet, dès la première année du
petit matériel et de l'outillage de faible valeur n'excédant pas un coût
unitaire de 250 € hors taxe ; pour une entreprise modeste, une telle politique
peut avoir une influence notable sur l'excédent d'exploitation ;
- Il est aussi
relativement indépendant de la politique fiscale de l'entreprise puisqu'il est
calculé avant imposition des bénéfices, bien que l'on puisse regretter les
différences de traitement des impôts dans cet excédent brut.
Il est obtenu
en ajoutant à la valeur ajoutée produite les subventions d'exploitation
octroyées, qui sont souvent des incitations fiscales déguisées et en
retranchant les impôts, taxes et versements assimilés et les charges de
personnel. Il constitue l'estimation comptable de l'excédent de trésorerie
d'exploitation : il ne fait intervenir que des charges et des produits
décaissés, c'est donc avant tout un solde de flux de liquidités qui décrit le
surplus de trésorerie d'exploitation engendré par les opérations courantes, au
décalage de temps près. On peut également reprocher à l'EBE de ne pas tenir
compte de la participation des salariés qui est un supplément de rémunération
du personnel. On pourrait également mentionner le problème de l'imputation des
titres de restaurant, avant leur distribution au personnel. On peut dire que
l’EBE est à la fois la première mesure du profit de l'entreprise
considérant les fonctions de production et de commercialisation : il doit être
d'autant plus élevé que l'entreprise est située dans un secteur où les
équipements sont importants, la ressource essentielle de
l'entreprise car il exprime la capacité de celle-ci à gérer ses disponibilités
en trésorerie, la partie principale de la capacité d'autofinancement.
Dans les entreprises de taille modeste qui ont un portefeuille de produits
relativement restreint et des activités peu diversifiées, c'est le descripteur
de capacité économique le plus important.
1.1.2 - Les soldes descriptifs de résultat
Le résultat d'exploitation avant charges et produits financiers : ce solde est obtenu à partir de l'excédent brut d'exploitation
auquel on retranche les dotations aux amortissements et provisions de
l'exercice et certaines charges de gestion courante telles que les redevances
sur brevets et licences, les jetons de présence, les pertes sur créances irrécouvrables
et les droits d'auteurs et auquel on impute les autres produits de gestion
courantes exactement réciproques des charges que nous venons d'énoncer, les
reprises d'amortissements et provisions et les transferts de charges
d'exploitation. Le résultat d'exploitation est un excellent indicateur de
gestion qui indique le résultat retiré de l'activité courante de la société,
abstraction faite de son mode de financement. Le résultat d'exploitation est
légèrement biaisé par la politique d'investissement de la firme : il n'est pas
indifférent qu'elle pratique des amortissements normaux ou qu'elle utilise au
maximum les ressources fiscales de l'amortissement dégressif ou de l'amortissement
exceptionnel.
Le résultat courant avant impôt : dans ce
solde, conformément aux indications de la 4e Directive des Communautés
européennes, on ne distingue pas, dans les charges financières, les éléments
courants des éléments exceptionnels : on raisonne sur des éléments permanents :
il y a dans ce sens une évolution très nette de la doctrine en matière de résultat
d'exploitation et la notion même d'exploitation est en train d'évoluer : un
élément devient exceptionnel par sa nature et non plus par sa fréquence. Tous
les éléments financiers (charges, dotations, produits, reprises de dotations,
transferts de charges) se retrouvent dans ce solde complété par les
quotes-parts sur opérations faites en commun dans le cadre de sociétés en
participation.
Le résultat exceptionnel : il n'est pas obtenu en
cascade mais de manière indépendante. Il a une utilité indirecte : c'est un
poste où on a regroupé les opérations qui auraient biaisé le résultat courant.
Il donne une indication du poids relatif des éléments exceptionnels dans le résultat
final. La définition des opérations exceptionnelles a évolué ; actuellement on
considère que les charges et les produits sur exercices antérieurs ne sont plus
des éléments exceptionnels de gestion mais sont des éléments normaux,
simplement différés. Le résultat exceptionnel est un solde obtenu avant impôt
et dans aucun solde on n'a de ventilation entre l'imposition des résultats
courants et l'imposition des résultats exceptionnels ce qui constituerait
parfois un point intéressant de diagnostic, de même qu’il faut spécialement
calculer les plus et moins values, les valeurs comptables des actifs cédés et
les produits de cession étant enregistrés séparément.
Le résultat net comptable de l'exercice est l'ultime solde, directement donné par la comptabilité. Obtenu
par addition du résultat courant avant impôt et du résultat exceptionnel d'où on
retranche éventuellement la participation des salariés aux fruits de
l'expansion, l'impôt sur les bénéfices et l'imposition forfaitaire annuelle sur
les sociétés et où on ajoute le report en arrière des déficits, c'est un simple
surplus qui cumule tous les défauts des autres soldes qui ne peut pas vraiment
être un solde significatif pour l'analyse de la gestion car il est fortement
biaisé par des considérations fiscales. Cette remarque ne concerne d'ailleurs
pas seulement le résultat net, mais vaut pour tous les soldes intermédiaires
étudiés précédemment.
1.1.3 - Le solde descriptif de la capacité d'autofinancement
La capacité d'autofinancement était la
nouveauté la plus remarquée du plan comptable général version 1982 reprise en
1999, même si c'est une notion ambiguë sur plusieurs plans : Ambiguïté
syntaxique de la capacité d'autofinancement : il ne faut pas confondre la
définition de la notion avec ses méthodes de calcul, plus ou moins arbitraires.
La capacité d'autofinancement se distingue du résultat car elle tient compte
des charges décaissées et non pas des charges calculées. On peut calculer la
capacité à partir de l'excédent brut d'exploitation ou la reconstituer à partir
du résultat de l'exercice. C'est la première méthode qui est détaillée dans le
plan comptable général. De ce premier mode de calcul, on peut conclure que la
capacité d'autofinancement est le reliquat de l'excédent brut d'exploitation
une fois qu'on a effectivement décaissé les charges réelles, et non calculées,
de l'exercice et qu'on a effectivement encaissé les produits réels, et non calculés,
de l'exercice. Ce calcul est un calcul soustractif à partir de l'EBE De cette
méthode et de l'absence de définition officielle résulte une autre ambiguïté :
en effet une capacité d'autofinancement n'est que potentielle et il
s'agit plus de charges et de produits décaissables que décaissés et la
différence entre ces deux termes peut mettre en évidence une capacité
d'autofinancement calculée selon les normes de signe positif alors qu'elle est
réellement négative, c'est-à-dire insuffisante. Il vaudrait mieux parler de
capacité de financement potentielle ou théorique. On peut remplacer le calcul
ci-dessus par un calcul ascendant ou additif à partir du résultat de l'exercice
: il faut alors rajouter au compte résultat les charges nettes calculées et retrancher
les produits calculés ou les reprises de charges calculées.
Elaborée
ainsi, la capacité d'autofinancement est un cash-flow d’exploitation ou une
marge brute d’autofinancement. Le second mode de calcul vient renforcer
l'ambiguïté de la notion : de reliquat, elle devient agrégat : dans la première
méthode c'est ce qui reste quand on a
tout payé et dans la seconde c'est ce qu'on a réussi à accumuler grâce aux
usages consacrés.
Ambiguïté sémantique de la capacité d'autofinancement : L'ambiguïté sémantique est d'abord induite par l'ambiguïté
syntaxique. L'approche de la capacité par l'excédent brut d'exploitation est
une approche typiquement macro-économique qui découle directement de l'analyse
de la valeur ajoutée et qui est plus utile au comptable national qu'au comptable
privé. L'approche par le résultat est une approche typiquement micro-économique
: largement utilisée par les décideurs privés, familiers du raisonnement en
termes de cash-flow ou de cashflow actualisé. La première méthode nous paraît
centrée sur le passé, le constat, alors que la seconde nous semble mieux
adaptée à la prévision : l'intérêt majeur du cash-flow réside dans la
possibilité de l'investir ou de le réinvestir. L'ambiguïté sémantique de la
capacité d'autofinancement vient du fait qu'elle ressemble à un cash-flow, mais
la traiter comme telle peut entraîner des erreurs d'interprétation.
Contrairement
à d'autres domaines étudiés par le plan comptable général, la capacité d'autofinancement
obtenue est globale et on n'y distingue pas les éléments d'exploitation des
éléments exceptionnels.
Or dans la
mesure où c'est, entre autre, sur la capacité d'autofinancement qu'on se
fondera pour programmer la croissance de l'entreprise, il sera bon de
distinguer les éléments permanents de cette croissance (représentés par les
données d'exploitation) des éléments transitoires (représentés par les
résultats exceptionnels). Dans une optique stratégique, on peut penser que
seuls les éléments permanents entreront dans le calcul économique alors que les
éléments transitoires, même s'ils apportent ponctuellement un supplément de
flexibilité, n'auront que des effets modestes sur les décisions à long terme.
L'interprétation
sans ambiguïté de la capacité d'autofinancement rend souhaitable, lorsque c'est
possible, la division entre capacité courante et capacité exceptionnelle avec
une répartition entre les dotations aux amortissements courants et
exceptionnels et entre les impôts sur les bénéfices courants et exceptionnels
qui sont souvent d'un taux différent. L’ambiguïté est aussi due à sa facilité
de manipulation par des professionnels avertis. On n’a pas attendu Terry Smith1 pour savoir faire preuve de pessimisme comptable,
lorsqu'il est nécessaire de diminuer un résultat net comptable générateur
d'impôts et au contraire d'optimisme comptable lorsqu'il faut habiller un bilan
qui montre trop ses carences : la capacité d'autofinancement victime de ces
habitudes a tendance à augmenter sous le poids du pessimisme et à diminuer sous
le poids de l'optimisme. Nous avions donné ailleurs l'exemple d'une entreprise
qui cumulait plusieurs erreurs de gestion : spéculation sur un produit à cours
mondial, achat imprudent de titres surcotés, mauvaise diversification du
portefeuille de clients, mauvaise répartition des risques et dont par le jeu de provisions de
toutes sortes, la capacité d'autofinancement augmentait. Il est dangereux,
lorsqu'on fait un diagnostic de méconnaître ces ambiguïtés, puisque à une
amélioration littérale de la capacité de financement correspond,
paradoxalement, une détérioration de la situation financière de l'entreprise.
Comme nous
l'avons montré, les soldes de gestion et la capacité d'autofinancement ne sont
pas des instruments de mesure parfaits, mais ils permettent de nuancer l'étude
de la rentabilité commerciale, de la rentabilité économique et de la
rentabilité financière et c’est un élément important de leur utilité.
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