Secteurs financiers africains et crise de la dette européenne:La tempête va-t-elle s’étendre à l’Afrique Sub-saharienne ?
Les secteurs financiers africains ont à maints égards été reconnus pour
leur croissance régulière et leurs résistance pendant et après la crise
financière mondiale de 2008. Toutefois, alors que la crise de la dette
européenne continue à se manifester, les décideurs politiques se
demandent si les secteurs financiers africains pourront continuer à
tenir le pari de rester non affectés ?
Dans l'ensemble, des éléments de preuve permettent
de penser que la crise de la dette européenne (en supposant un scénario
de crise caractérisée par un désendettement significatif du secteur
bancaire européen, une réduction des échanges avec l'Europe et une
baisse caractéristique, mais encore contenue de la confiance des
investisseurs mondiaux) posera certains défis au développement du
secteur financier en Afrique bien que sur une échelle non systémique.
Les marchés financiers nationaux deviennent de plus
en plus profonds avec pour conséquence une perte notoire du prestige du
financement bancaire européen pour les emprunteurs africains. Les prêts
hors-frontière à partir de banques européennes comptent pour moins de
25 % du total des crédits au secteur privé africain. En mettant de côté
l'Afrique du Sud, la part des prêts étrangers transfrontaliers s’est
réduite de 45 % en 2005 à 34 % en 2010. Les emprunteurs sont de plus en
plus en mesure d'emprunter auprès des banques locales et de se financer
sur les marchés locaux. Les banques européennes ont également une
présence limitée en Afrique à l’exception notoire des banques
portugaises en Angola et au Mozambique. La plupart du temps, ces banques
se financent localement et non par leurs parents européens et sont
souvent d'une importance stratégique pour les banques mères en raison de
leur forte rentabilité et des perspectives de croissance.
Néanmoins, un certain nombre de pays et secteurs
sont de grands emprunteurs auprès des banques européennes et l'impact de
la réduction des prêts bancaires européens dépendra de la capacité de
ces secteurs à trouver des financements alternatifs. Il s’agit des
secteurs tels que celui des opérateurs de télécommunication régionaux,
celui des produits et du secteur bancaire sud-africain qui sont
d'importants bénéficiaires de financements bancaires européens. Il est
possible que la plupart de ces secteurs trouvent des financements
alternatifs. La moyenne des prêts auprès des banques étrangères en tant
que part du PIB est limitée dans la plupart des pays africains, mais
compte pour plus de 20 % du PIB au Mozambique, au Sénégal et en Afrique
du Sud ainsi que dans certaines économies de plus petite taille telles
que celle du Cap-Vert et des Seychelles.
Une baisse de la confiance des investisseurs
mondiaux a réduit les investissements de portefeuille dans certains pays
africains, affecté le rendement des marchés de capitaux, réduit les
liquidités dans un certain nombre de marchés à revenu fixe et obligé
certains gouvernements africains à retarder l'émission d'obligations
internationales. Le rendement des marchés de capitaux locaux est
étroitement lié aux flux de portefeuille des investisseurs étrangers.
Plus important encore, la liquidité dans un certain nombre de marchés
obligataires locaux a été fortement tributaire de la participation
d’investisseurs étrangers. La récente volatilité du rendement résultant
de l'inflation s’est amplifiée et la dépréciation du taux de change a
comme on pourrait dire, opéré une ponction sur la liquidité du marché
obligataire local.
Les perspectives à moyen terme demeurent toutefois
positives d’autant que les investisseurs internationaux sont toujours à
la recherche de possibilités d’intensification de leurs investissements
en Afrique. La Namibie et le Sénégal sont entrés dans les marchés
internationaux avec succès pour la première fois en 2011 et les données
récentes sur la stabilité du marché financier africain ont permis de
réduire de manière notoire la prime de risque de l'Afrique. Les
observateurs du marché soulignent que l’Afrique souffre aussi de la
contagion du manque de confiance des investisseurs mondiaux mais que
l'impact actuel est relatif à celui des autres marchés émergents.
L’investissement en Afrique depuis ces dernières années est de moins en
moins perçu comme un risque par les investisseurs et une base émergente
d'investisseurs engagés se met en place, favorisant une réduction de la
volatilité des prix des titres africains. Une récente enquête mondiale
de grands investisseurs institutionnels a trouvé que l'Afrique
bénéficiera de dotations d'investissement plus élevées au cours des
années à venir.
La menace la plus grave à laquelle l’Afrique
pourrait faire face par rapport à la crise de la dette européenne est
que cette crise déclenche des risques de secteur financier qui se créent
à l’interne. Les marchés de crédit africains évoluaient à un rythme de
croissance rapide avant la crise mondiale et, après une période
temporaire de ralentissement, la croissance du crédit a repris jusqu'en
2011. Dans un environnement marqué par une faible gestion des risques et
une capacité de surveillance inadéquate, une augmentation du crédit
peut contribuer à une accumulation de risques dans le secteur. L'exemple
de la crise financière mondiale de 2008/9 devrait servir de leçon. Une
nouvelle série de chocs externes émanant de la crise de la dette
européenne pourrait à nouveau exposer ou aggraver les risques qui
prévalent dans les secteurs financiers africains. Le renforcement de la
capacité de surveillance et de la capacité de gestion des risques doit
rester au cœur de l'agenda des réformes.
Ce sera encore plus important d’autant que beaucoup
de facteurs isolants qui limitent l'exposition des secteurs financiers
africains à des risques mondiaux vont disparaître à mesure que la région
Afrique continue de croître et de s'intégrer de plus en plus dans les
marchés mondiaux.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire