CONVERGENCES DIVERGENCES ENTRE LE SYSTÈME COMPTABLE OHADA ET LES NORMES IAS/IFRS ( 1 ere partie )
Dans un souci de comparabilité entre les états financiers d'entreprises de
divers horizons, de bonne circulation de l'information financière, a été
élaborée des normes au niveau international auxquelles toutes les entreprises,
du moins celles qui font des appels publics à l’épargne, sont soumises. Ces
normes comptables IAS/IFRS ont été établies depuis 2001 par l'IASB et
s'appliquent depuis 2005 aux entreprises multinationales et celles faisant
appel à l’épargne public dans l'Union Européenne.
Suite à l’ouverture de leur économie et à l’internationalisation de leurs
marchés, les pays de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’ouest ont mis en
place le Système Comptable OHADA.
Le système comptable OHADA avait certainement pour ambition de construire
une théorie générale de la comptabilité financière qui s’inscrit dans la
logique de la réglementation internationale. Malheureusement on dénombre
plusieurs divergences entre le Système Comptable OHADA et les normes IAS/IFRS.
A- Etudes au
niveau des objectifs et des utilisateurs
1- Au niveau des
objectifs conceptuels
En général, l'OHADA qui n'est pas seulement un cadre économique ou
comptable a pour objectif avoué :
-trouver des solutions juridiques les meilleures et les mettre à la
disposition de tous les pays quelles que soient leurs ressources humaines ;
- instaurer la sécurité juridique ;
- restaurer la sécurité judiciaire ;
- encourager la délocalisation vers l'Afrique de certaines grandes
entreprises ;
- rétablir la confiance des chefs d'entreprises et des investisseurs ;
- développer l'arbitrage en Afrique ;
- faciliter l'intégration économique sur le continent ;
- renforcer l'unité africaine
Les objectifs du cadre de préparation et de présentation des états
financiers (cadre conceptuel) des normes IAS/IFRS sont plus larges que ceux
définis par le référentiel comptable OHADA.
Ils consistent en effet à :
- servir de base pour
l'élaboration de normes comptables cohérentes et réviser les normes existantes
;
- harmoniser les
réglementations, les normes comptables et les procédures liées à la
présentation des états financiers ;
- aider les
organismes nationaux à développer des normes nationales ;
- aider les
préparateurs des états financiers à appliquer les normes comptables ;
- aider les auditeurs
à se faire une opinion sur la conformité des états financiers avec les normes
internationales ;
- fournir des
informations sur l'approche d'élaboration des normes suivie par l'IASB ;
- préciser les objectifs
des états financiers ;
- définir les
éléments essentiels des états financiers et les principes comptables servant de
base pour la comptabilité (En cas de conflit entre une norme et le cadre
conceptuel les dispositions de la norme qui prévalent) et finalement ;
- aider les
utilisateurs à interpréter les états financiers.
Les cadres conceptuels du SYSCOHADA et de l’IASB présentent la même
architecture : les objectifs, les caractéristiques qualitatives, le contenu des
états financiers (incluant la définition des actifs, passifs, produits,
charges, capitaux propres), les critères d’évaluation des éléments des états
financiers.
Toutefois, le cadre conceptuel du SYSCOHADA a prévu en plus des éléments
qui composent la structure ci-dessus, la définition du cadre comptable et la
structure du plan de comptes.
2- Au niveau des
caractéristiques qualitatives de l’information financière
Les caractéristiques qualitatives de l'information financière qui feront
l’objet de notre analyse concernent : l’intelligibilité, la pertinence, la
fiabilité et la comparabilité.
a)- Intelligibilité
Selon le cadre conceptuel du SYSCOHADA l'intelligibilité veut dire que
l'information fournie par les états financiers doit être compréhensible par les
utilisateurs. Donc il suppose implicitement que les utilisateurs aient une
connaissance raisonnable des affaires et de la comptabilité. Cependant, le
cadre conceptuel de l'IASB ajoute qu'une information complexe, qui doit
être incluse dans les états financiers du fait de sa pertinence, ne doit pas
être exclue au seul motif qu'elle serait trop difficile à comprendre pour
certains utilisateurs.
b)- Pertinence
Selon le cadre conceptuel du SYSCOHADA une information est dite pertinente
lorsqu'elle est de nature à influencer les décisions économiques des
utilisateurs en les aidant à évaluer les évènements passés, présents et futurs
ou en confirmant ou en corrigeant leurs évaluations antérieures. En effet, une
information pertinente doit avoir trois qualités : une valeur prédictive (c'est à dire qui aidera les
utilisateurs à prévoir les résultats et des événements futurs), une valeur rétrospective ou de confirmation (C'est que
l'information peut être utilisée pour comprendre ou corriger des résultats, des
événements et des prédictions antérieures) et la rapidité de divulgation (toute information doit être divulguée au moment
où elle est susceptible d'être utile à la prise de décision). Mais, le cadre
conceptuel de l'IASB ajoute la notion d'importance relative qui peut être
définie comme une information dont l'absence ou l'inexactitude est susceptible
d'influencer les décisions des utilisateurs.
Enfin, pour la rapidité de divulgation (appelé la célérité de
l'information), les deux cadres conceptuels la présentent au niveau des
contraintes à respecter pour garantir la fiabilité et la pertinence de
l'information.
c)- Fiabilité
Le cadre conceptuel du SYSCOHADA présente trois critères pour qu'une
information soit fiable : la représentation
fidèle (c'est la correspondance entre la mesure ou la description et les faits et
les transactions qu'elles sont censées traduire), la neutralité (l'information comptable est neutre si elle est dépourvue que possible de
subjectivité) et la vérifiabilité (elle est matérialisée
par des pièces justificatives qui peuvent être contrôlées à tout moment).
Tandis que, le cadre conceptuel de l'IASB définit une information fiable
comme étant une information exempte d'erreur et de biais significatifs. Il
distingue cinq critères d'une information fiable : l'image fidèle des transactions et autres évènements que l'information vise à
représenter, la neutralité puisqu' il ne faut pas
que l'information comptable oriente l'utilisateur dans un sens prédéterminé à
l'avance, la prééminence du fond sur la
forme qui veut dire que les transactions et événements comptabilisés doivent
refléter l'aspect économique des transactions de l'entreprise et non l'aspect
juridique, la prudence qui est définie comme
la prise en compte d'un certain degré de précaution dans l'exercice des
jugements nécessaires aux estimations afin d'éviter que les actifs ou les
produits soient surévalués et les passifs ou les charges sous évalués et enfin,
l'exhaustivité qui stipule que l'information contenue
dans les états financiers doit être exhaustive et complète autant que le permet
le souci de l'importance relative.
d)- Comparabilité
Le cadre conceptuel du SYSCOHADA exige que l'information soit comparable
d'un exercice à un autre afin de suivre l'évolution de la situation financière
de l'entreprise ceci pour la comparabilité dans le temps. En ce qui concerne la
comparabilité dans l'espace elle est obtenue en comparant deux entreprises
(nécessité d'indiquer les chiffres de l'exercice précédent et aussi
l'utilisation des mêmes méthodes comptables). Le cadre conceptuel de l'IASB
stipule la même chose, néanmoins, il ajoute que : Le principe de comparabilité
ne doit pas conduire à une uniformité pure dans les méthodes comptables, en
effet lorsqu'une nouvelle méthode aboutit à une information plus pertinente et
une meilleure image fidèle, elle doit être adoptée cependant une mention de ce
changement et de son impact doit être portés dans les notes annexes.
3- Au
niveau des objectifs des états financiers
Le système comptable OHADA distingue plusieurs objectifs des états
financiers.
- fournir des
informations utiles à la prise de décision et au crédit ;
- donner des
informations pour estimer la probabilité de réalisation de flux futurs ;
- renseigner sur la
situation financière de l'entreprise particulièrement sur les ressources
qu'elle contrôle et sur ses obligations ;
- renseigner sur la
performance financière de l'entreprise ;
- renseigner sur la
manière dont l'entreprise a obtenu et dépensé ses liquidités ;
- fournir des
informations sur le degré de réalisation des objectifs par les dirigeants et
sur le degré de conformité aux lois en vigueur.
Selon les normes IAS/IFRS, l'objectif en général des états financiers
consiste :
- à fournir des informations sur la situation financière de l'entreprise et
son évolution ; ce qui est présenté par le bilan ;
- renseigner sur la performance de l'entreprise et en particulier sur sa
rentabilité ;
- troisième lieu, renseigner sur la variation de la situation financière de
l'entité et sur sa capacité à générer des liquidités, puisqu'elle permet d'apprécier
les activités d'investissement, de financement et opérationnelle au cours de
l'exercice. Ceci étant, l'information sur la variation de situation financière
peut être donnée dans un état séparé. Le cadre conceptuel signale à la fin que
les composantes des états financiers constituent des éléments interdépendants.
4- Au niveau des
utilisateurs
Le système comptable OHADA distingue entre les utilisateurs internes, des
utilisateurs externes :
- Les utilisateurs
internes sont : les dirigeants, les organes d'administration et les différentes
structures internes de l'entreprise ;
- Les utilisateurs
externes sont : les fournisseurs de capitaux qui sont les investisseurs, les
prêteurs et ceux qui accordent des subventions, l'administration, et autres
institutions dotées de pouvoirs de réglementations et de contrôle, les autres
partenaires de l'entreprise telles que les salariés et leurs syndicats, les
fournisseurs et autres créanciers ainsi que les clients et autres bénéficiaires
des biens et services produits par l'entreprise et enfin, les autres groupes
d'intérêt telles que les organismes professionnels et de défense d'intérêt, la
presse spécialisée et les médias, les chercheurs, les divers organes et
associations et le public en général.
Il est important de souligner que le système comptable OHADA considère les
investisseurs et les bailleurs de fonds comme des utilisateurs privilégiés des
états financiers.
Le cadre conceptuel des normes IAS/IFRS distingue quant à lui sept
utilisateurs des états financiers :
- les investisseurs actuels et potentiels qui sont concernés par le risque
et la rentabilité de leurs investissements (Ils souhaitent des informations qui
les aident à prendre des décisions éclairées et réfléchies soit acheter ou
vendre soit conserver les actions de l'entreprise) ;
- les salariés qui s'intéressent à la rentabilité de leur employeur pour
choisir soit changer d'emplois, soit le conserver pour voire son salaire
s'améliorer ;
- les prêteurs qui s'intéressent particulièrement à la solvabilité de leur
débiteur pour savoir si les montants qui leurs sont dus (intérêt et principal)
seront remboursés à échéance ;
- les fournisseurs et autres créditeurs ; intéressés par la solvabilité de
leur client (pouvoir de paiement à l'échéance) et aussi par la pérennité
de l'entreprise surtout si elle est un client majeur
- les clients se préoccupent surtout de la continuité de l'exploitation de
leur fournisseur ;
- l'Etat et les organismes publics : cette couche s'intéresse à la
répartition des ressources, au respect des règles comptables et fiscales
- le Public, cette partie est intéressée par la contribution à l'économie
locale, les tendances et évolutions récentes de la prospérité de
l'entreprise et l'étendue de ses activités.
Un point de divergence est lié aux
utilisateurs de l’information comptable et financière.
Pour l’IASB, plusieurs utilisateurs sont identifiés (investisseurs,
personnel, prêteurs, fournisseurs et autres créditeurs, clients, les Etats et
les organismes publics, le public). Sans préjuger d’une hiérarchie entre les
utilisateurs, le cadre conceptuel IASB semble orienter la présentation vers les
investisseurs en supposant que la satisfaction des besoins des investisseurs
devrait permettre de satisfaire également les autres parties prenantes.
Pour sa part, le cadre conceptuel du SYSCOHADA oriente la destination de
l’information à tous les agents d’une économie marchande dont le centre est la
libre entreprise. Le cadre conceptuel SYSCOHADA classe les utilisateurs de
l’information comptable comme suit : les entreprises, les fournisseurs et
clients de l’entreprise, investisseurs et actionnaires de l’entreprises, les
prêteurs, les banques, l’institution d’émission (Banque centrale), le
personnel, l’Etat. Le cadre conceptuel SYSCOHADA retient une approche plus
économique que financière pour la destination de l’information comptable.
5- Au
niveau des conventions comptables
Les conventions comptables sont les règles et les prescriptions qui
doivent être respectées lors de l'élaboration des états financiers.
Le Système comptable OHADA dispose de huit (8) conventions comptables de
base qui sont les fondements de l'analyse comptable et de la préparation des
états financiers :
- la prudence ;
- la permanence des
méthodes ;
- la correspondance
entre bilan d'ouverture et bilan de clôture ;
- la spécialisation
des exercices ;
- le coût historique
;
- la continuité
d'exploitation ;
- la transparence ;
- l'importance
significative ;
On peut énumérer d'autres conventions comptables qui peuvent être
mentionnées dans l’Etat annexé: convention de l'entité, convention de l'unité
monétaire, convention de la périodicité, convention de la réalisation du
revenu, convention de rattachement des charges aux produits, convention de
l'objectivité, convention de l'information complète, convention de la
prééminence du fond sur la forme.
Le coût historique (valeur d'origine) sert de base pour la comptabilisation
des postes d'actifs et de passif de l'entreprise.
Les normes IAS/IFRS reconnaissent comme conventions comptables de base, les
trois premiers principes comptables fondamentaux du Système Comptable à
savoir :
-la continuité de l'exploitation ;
-la permanence des méthodes ;
-l'indépendance des exercices
L'IASB (International Accounting Standards
Board) n'a pas énuméré les conventions comptables. Toutefois, ils peuvent
être tirés des normes comptables, du cadre conceptuel et surtout de l'IAS 1
relative à la présentation des états financiers.
On cite quelques unes :
- convention de la
permanence des méthodes ;
- convention de
l'importance relative ;
- convention de la
périodicité ;
- convention de la
juste valeur ou de la valeur récupérable ;
- convention de
l'information complète retenue comme une composante de la fiabilité de
l'information ;
- convention de
prudence et celle de prééminence du fond économique sur la forme juridique et
la présentation fidèle.
Les deux cadres conceptuels mettent en avant, les mêmes conventions,
principes ou caractéristiques comptables. Toutefois, le cadre conceptuel IASB à
la différence du SYSCOHADA ne retient pas les principes du coût historique, de
la prudence et de l’intangibilité du bilan d’ouverture.
Le coût historique[1] constitue la principale convention comptable de base
adoptée pour la préparation des états financiers dans le Système Comptable
OHADA. C’est pourquoi, les normes IAS/IFRS insistent sur la réévaluation des
immobilisations incorporelles, des immobilisations corporelles ainsi que les
immobilisations financières.
Dans le Système Comptable OHADA, le principe de « prudence » permet
d’apporter des corrections au coût historique. Pour les actifs, la valeur nette
à inscrire au bilan est la plus faible des deux valeurs entre la valeur
d'entrée et valeur actuelle. En effet si la valeur actuelle est supérieure ou
égale à la valeur d'entrée on conserve la valeur d'entrée (les plus-values ne
sont pas comptabilisées). Mais si la valeur actuelle est strictement inférieure
à la valeur d'entrée on constate une dépréciation ou exceptionnellement un
amortissement lorsque la dépréciation apparaît définitive, irréversible. Pour
les valeurs au bilan des dettes on retient qu'en règle générale la valeur au
bilan est égale à la valeur nominale.
La notion de juste valeur constitue la clé de voûte des normes IAS/IFRS.
La juste valeur est le montant pour lequel un actif pourrait être échangé
ou un passif éteint entre parties bien informées, consentantes et
agissant dans des conditions de concurrence normale. Il existe plusieurs
niveaux de juste valeur :
1. Prix observable sur un marché des actifs ou passifs identiques à la date
d’évaluation ou à une date proche ;
2. A défaut, prix observable sur un marché des actifs ou passifs similaires
à la date d’évaluation ou à une date proche ;
3. A défaut, autres techniques d’évaluation reprenant les hypothèses
du marché lorsqu’elles sont disponibles ou, à défaut, celles de l’entreprise
(flux de trésorerie actualisés, comparable) ;
Les actifs doivent être évalués à leur valeur de marché ou leur valeur
potentielle de vente ou d’échange, ce qui implique une volatilité importante,
due aux fluctuations du marché. Cette méthode comptable fait abstraction du
coût historique, principe qui est aussi la clé de voûte de l'OHADA.
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